Exposition future - Claudia Dorsaz, France Matille et Jonas Wyssen
Villa Murillo, Rue du Lac, 61 | 1815 Clarens
du jeudi 11 septembre au dimanche 26 octobre 2025.
Vernissage en présence des artistes le jeudi 11 septembre dès 18h30.
Réunir les tableaux de plusieurs peintres n’est pas chose aisée. Au-delà des dissemblances, il faut une préoccupation centrale ou un fil rouge qui les relie. C’est précisément ce que réussit cette exposition.
Jacques Biolley
Claudia Dorsaz, le sens de l’ellipse
Claudia Dorsaz présente des œuvres qui appartiennent à un ensemble cohérent, dont chaque élément exprime une facette de sa vision du monde.
À l’évidence il y a chez elle un sens inné (ou cultivé ?) de l’ellipse. Sa peinture laisse à l’image d’une impression, d’une émotion une place primordiale. Comme si Claudia Dorsaz fait naître « de manière immédiate » une perception, elle nous parle de l’arche, de vibrations ou de songes, parfois de manière légèrement amusée (Pas d’oil ou t’es resté par montéaz). Mais ne nous trompons pas : au-delà d’une légèreté toute poétique, l’œuvre est puissante, solide, vraie. Un tableau en particulier en atteste : Métamorphose, qui donne à l’œil un frémissement de papillons, comme si l’image donnait à un « ailleurs » présent de façon mystérieuse et en fait spontanée.
Si l’expression picturale est aisée chez Claudia Dorsaz, c’est peut-être parce que l’artiste est intimement habitée par ce qu’ont les Passages, les Métamorphoses ou les Présences qui peuplent l’arche imaginaire de ses ellipses. La plasticité de son imaginaire inscrit, comme si cela allait de soi, la trace d’une vitalité profondément présente. Cette sensibilité se communique : nous avons la certitude que ces peintures sous l’arche d’une ellipse inscrivent le signe même de ce qui donne à notre monde le pouvoir d’exister à nos yeux.

France Mattille : l’accueil du vivant
La « nature » est un terme aujourd’hui décrié car emblématique de la césure longtemps instituée entre l’homme et son environnement. Et d’une certaine manière, la peinture de France Mattille semble imprégnée d’une relation avec le vivant, faite d’une grande part d’humilité envers un milieu dont nous faisons partie intégrante.
En fait, l’artiste situe l’humain en retrait de ce qu’elle peint, la place centrale étant donnée à ce qui est en apparence insignifiant : le « presque rien », le frémissement de quelques fleurs, une « prairie » qui contient des trésors, une « charmante enchanteresse » surgie d’un fourré d’herbes vivantes. L’artiste célèbre avec une immense délicatesse le passage, en retenant certaines apparitions pour les célébrer à sa manière.
À force d’adopter cette posture, son pinceau se familiarise avec la délicate ontologie d’une fleur ou d’une prairie dont les beautés émerveillent plus intensément quand d’autres floraisons avaient lieu.
Elle accède par ce biais à une nouvelle manière de peindre. Le vivant est si fortement présent dans son art d’abstraction qu’il semble dépasser le monde réel. La vision qu’il donne du monde et de la pyramide des apparences est intensément et parfaitement équilibrée.
Alors triomphe le murmure silencieux des fleurs « au bord de nous-mêmes », rappel oblique de tout passage, sauf peut-être si l’esprit de l’artiste capte soudain cet instant minuscule.
France Mattille, comme une druidesse en balade sur les sentiers, est en lien avec l’existence presque oubliée de ce qui nous entoure. Elle en fait son miel, comme une sagesse subtile qui connaît le rythme des saisons et en retient les beautés.

Jonas Wyssen : créer pour dire le monde d’aujourd’hui
Jonas Wyssen se définit comme un artiste dont la recherche relie la relation entre la nature et la technologie à travers des connexions physiques et immatérielles. L’évolution de la connaissance scientifique contemporaine « comme un tiers conceptuel » qui féconde notre perception de la réalité.
Et les œuvres ? Elles sont passionnantes à découvrir tant l’artiste est à la fois un poète des questions et une conscience qui tente d’explorer notre modernité tout en s’exerçant à ses potentialités techniques.
Un des titres : Mémoires virtuelles (2024), ensemble de « souvenirs numériques », traces de frémissements, d’instant entre le virtuel et le réel, l’éphémère et l’éternel. Ou alors Séracart (2023), œuvres construites à partir de pierres trouvées en Valais.
Au gré des hasards, l’œuvre de cet artiste frappe par sa valeur poétique et son ambition de proposer un regard lucide sur le monde actuel.
Au-delà d’une réflexion de nature presque sociologique sur l’état de notre société, sa démarche est profondément ancrée dans son temps, nourrie d’images, de réalisme implicite. C’est pourquoi regarder ces œuvres avec le désir d’enfanter (sans le vouloir) des songes… qui peuvent nous emmener très loin pour peu que nous soyons ouverts à l’inattendu et ravis d’être bousculés.
